Projets citoyens dans les renouvelables, où en est la France ?

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Inauguration du parc éolien de Béganne en Bretagne en 2014. Éolien citoyen
Lilian Carpenè, Ademe (Agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie)

Comme nombre d’autres pays, la France s’est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre, dont l’accumulation dans l’atmosphère perturbe l’équilibre climatique. Cet effort passe notamment par le développement des énergies renouvelables (éolien, biomasse, solaire, géothermie, hydraulique, marines) pour diminuer le recours aux énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz).

Si les grands axes de cette transition se décident au niveau gouvernemental – on pense aux objectifs fixés en 2015 par la loi de transition énergétique –, son succès nécessite une forte implication des collectivités et des citoyens.

Près de 300 projets citoyens recensés

La participation aux projets de déploiement des renouvelables peut prendre différentes formes. Le terme de « projets participatifs » englobe cette diversité, désignant tout projet pour lequel des particuliers ont pu s’investir dans le financement, le montage et/ou la gouvernance. Ces initiatives peuvent avoir été impulsées par des citoyens, des collectivités et/ou des professionnels du secteur portant des projets.

Au sein de ces projets participatifs, ceux dits « citoyens » impliquent directement la population et/ou les collectivités au capital. Ces derniers deviennent alors des actionnaires du projet, ce qui leur permet de maîtriser les décisions stratégiques sur le long terme afin d’orienter le projet vers l’intérêt du territoire.

Selon la Charte des acteurs de l’énergie citoyenne, un projet se définit comme « citoyen » si, en plus de la participation locale majoritaire des collectivités et/ou habitants au capital, l’initiative remplit des conditions de finalité non spéculative, de gouvernance démocratique, et bien sûr de respect de l’environnement.

Plus courants dans d’autres pays, comme en Allemagne ou au Danemark, les projets portés par des collectivités et collectifs citoyens commencent à se multiplier en France.

Entre 2014 et 2017, le nombre de projets citoyens a par exemple triplé dans 7 régions (Bretagne, Occitanie, Pays-de-la-Loire, Centre-Val-de-Loire, Auvergne-Rhône-Alpes,PACA, Nouvelle-Aquitaine), passant de 62 à 192, selon un sondage (non publié) réalisé par l’Ademe en mai 2017 auprès des structures d’animation régionales concernées.

Recensement des projets citoyens conduits en Bretagne, Occitanie, Pays de la Loire, Centre Val de Loire, Auvergne-Rhône-Alpes, PACA et Nouvelle Aquitaine, entre 2014 et 2017. Ademe, CC BY-NC-ND

Le dernier recensement effectué par l’association Énergie partagée – qui rassemble au niveau national la plupart des acteurs de l’énergie citoyenne – indique ainsi près de 300 projets citoyens répartis sur tout le territoire hexagonal (297 exactement, dont 102 en exploitation, 105 en développement et 90 en émergence).

Toujours selon les données d’Énergie partagée, on compte pour ces projets 122 MW de puissance électrique installée en production et 243 MW en développement ; 165 GWh/an sont produits et injectés dans le réseau par des installations citoyennes, ce qui représente un peu moins de 0,2 % de la production annuelle d’électricité renouvelable en France pour l’année 2016 ; 170 millions d’euros ont été engagés dans les énergies renouvelables grâce aux citoyens. On compte 10 770 « actionnaires citoyens » recensés en France.

À la recherche de l’ancrage social

Par comparaison aux projets « classiques », les bénéfices d’un projet citoyen constituent une ressource nouvelle directement captée par le territoire, en plus des taxes obligatoires reversées à la collectivité.

La rentabilité de l’investissement n’est pas la principale motivation des citoyens qui s’engagent. Même si la dimension économique des projets ne peut être niée – les projets doivent être viables pour pouvoir être reproduits ailleurs –, l’objectif n’est pas de générer une manne financière pour les investisseurs, mais de créer de la richesse pour le territoire.

De plus, les bénéfices peuvent être réorientés pour mener des actions locales, comme des actions de sensibilisation par exemple. Le portage collectif de ces actions, avec des personnes qui en sont acteurs et non simples participants, rend plus facile l’engagement sur la voie des économies d’énergie.

De nouveaux outils

Des dispositifs de soutien aux énergies renouvelables citoyennes – que ce soit en matière d’accompagnement méthodologique ou financier – ont vu le jour aux niveaux national et territorial depuis une dizaine d’années.

En 2015, on recensait ainsi 49 structures d’animation, fonds, programmes d’appels à projets, sociétés publiques locales contribuant d’une manière ou d’une autre au déploiement de ces initiatives. L’Ademe accompagne cette dynamique depuis 2007, généralement en collaboration avec des conseils régionaux. Dans ce cadre, des guides pratiques à l’attention des collectivités et des collectifs souhaitant se lancer ont été publiés.

Depuis 2016, l’État a instauré dans les procédures d’appel d’offres pour les énergies renouvelables électriques, un bonus lié à la participation des citoyens au financement, en distinguant plus récemment un bonus pour l’investissement participatif, c’est-à-dire pour les projets « citoyens ». La région Occitanie a été pionnière dans le domaine avec la mise en place depuis quatre ans d’un appel à projets dédié.

L’association Énergie partagée a également développé dans le cadre d’une convention avec l’Ademe un centre de ressource national qui contient, par exemple, un ensemble de webinaires et de formations ouvert à tous. Dans les territoires, des structures d’animation régionales orientent les collectifs à structurer leur projet et assurent une mise en relation entre les acteurs.

Les différentes phases des projets. Énergie partagée, CC BY-NC-ND

Début 2018, un nouvel outil – EnRCiT – est venu compléter cette offre pour soutenir les projets citoyens lors de la phase de développement, la plus risquée. Il s’agit en effet de la phase où des investissements relativement importants sont réalisés pour conduire des études détaillées, avec un risque de ne pas obtenir les autorisations indispensables à la réalisation concrète du projet. La mise en œuvre de cet outil fait suite à une étude de préfiguration (non publiée) qui a été menée conjointement par l’Ademe et la Caisse des Dépôts et consignations.

EnRciT, en tant que société d’investissement (SAS), co-investit aux côtés des citoyens, des collectivités et des autres actionnaires. L’objectif est d’apporter les moyens financiers adéquats lors de la phase de développement, afin de mener les études technico-économiques et règlementaires des projets en vue d’obtenir les autorisations requises avant la construction.

Doté de 10 millions d’euros par la Caisse des Dépôts, l’Ircantec et le Crédit coopératif, cet outil doit permettre de financer environ 150 projets sur 10 ans.The Conversation

Lilian Carpenè, Ingénieur économiste, service « réseaux et énergies renouvelables », Ademe (Agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.