Se passer durablement des pesticides

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Selon les données Eurostat, la France est l’un des plus gros utilisateurs de pesticides au niveau européen. Shutterstock
Virginie Martin, Kedge Business School

André Ménache, docteur vétérinaire et conseiller scientifique d’Antidote Europe, est co-auteur de cet article. The Conversation


Qu’y a-t-il de pire que d’avaler un pesticide ? En consommer cinq à la fois ! C’est ce que les ONG Antidote Europe et Générations Futures indiquaient dès 2012, suite à la publication de leur étude portant sur « l’effet cocktail » des pesticides.

L’agriculture basée sur la lutte chimique contre les ravageurs et autres « mauvaises herbes » expose les agriculteurs et, in fine, les consommateurs à des cocktails de substances particulièrement inquiétants, car ces dernières peuvent agir en synergie avec d’autres produits.

Faut-il continuer à tolérer ces produits comme un « mal nécessaire » ? Est-il possible d’en limiter l’usage, voire de s’en passer ? Présentation de quelques alternatives.

Le succès du bio

La première option réside dans le fait de manger des produits issus de l’agriculture biologique, qui exclut l’usage de substances chimiques de synthèse et d’OGM.

L’agriculture biologique en France en 2016. Ministère de l’Agriculture

Le marché du bio a d’ailleurs connu ces dernières années une forte croissance ; il atteignait 24 milliards d’euros de chiffres d’affaires dans l’Union européenne en 2014 (dont 4,8 milliards pour la France). Soulignons qu’il concerne aujourd’hui presque 6 % de la zone agricole totale de l’UE.

Le Danemark est le plus grand consommateur d’aliments bio au monde, qui représentent plus de 8 % de tous les aliments vendus dans ce pays.

Les principes de durabilité

D’autres solutions pour se passer des produits phytosanitaires impliquent l’utilisation d’une gamme de stratégies liées à l’agriculture durable.

Globalement, l’agriculture durable désigne l’application à l’agriculture des principes du développement durable ou « soutenable », tels qu’ils ont été définis par la communauté internationale à Rio de Janeiro en juin 1992 lors du Sommet de la Terre.

Il s’agit de mettre en place un système de production agricole qui puisse assurer une production pérenne de nourriture, en respectant les limites écologiques, économiques et sociales garantissant la maintenance de cette production dans le temps.

C’est ainsi le cas d’une agriculture qui protège au mieux la biodiversité, l’eau et les sols.

Les mesures employées dans le cadre de cette agriculture sont aujourd’hui bien connues. Il y a, par exemple, les moyens biologiques, qui utilisent des organismes vivants pour prévenir ou réduire les dommages aux récoltes causés par des bioagresseurs (agents pathogènes, ravageurs, mauvaises herbes) ; il y a aussi le contrôle cultural, qui consiste à adapter le système de culture pour limiter les dommages causés par ces mêmes bioagresseurs.

La rotation des cultures, qui constitue la principale mesure prophylactique contre les maladies, et la biofumigation (basée sur la libération de molécules toxiques et volatiles lors de la dégradation de certaines plantes, principalement les crucifères) constituent d’autres méthodes de l’agriculture durable ; citons enfin la polyculture qui consiste à cultiver plusieurs espèces de plantes au sein d’une même exploitation agricole.

En plus de ces méthodes, l’agriculture durable utilise des techniques qui relèvent de moyens physiques liés au travail du sol (moyens thermiques, électromagnétiques ou pneumatiques) ainsi que le désherbage mécanique (comme c’est le cas du binage du tournesol, par exemple).

La permaculture : un nouveau système économique ? (France24, avril 2017).

Les villes aussi

Impossible de ne pas mentionner la permaculture qui constitue un mode de production trouvant son originalité dans le recours à des pratiques culturales et d’élevage soucieuses du respect des équilibres naturels.

Il faut souhaiter que ce souci de limiter les produits phytosanitaires puisse s’étendre jusqu’aux villes : pourquoi désherber tous les espaces urbains ? Comme l’a montré une étude par l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse, les citoyens, s’ils sont bien informés, se montrent tout à fait prêts à accepter la végétation spontanée.

On le voit, il s’agit de modifier notre perception de la nature et de redonner une place aux plantes, qualifiées souvent à tort de « mauvaises herbes ». Or laisser l’herbe se développer entre les pavés, les pissenlits sur certaines pelouses est bien mieux que de contaminer le sol et les eaux avec des pesticides.

Virginie Martin, Docteure sciences politiques, HDR sciences de gestion, Kedge Business School

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.